Un peu de transparence dans ce monde de brutes!
Ah ces grèves.... ça plait ou ça ne plait pas, mais c'est un droit dans ce pays alors on fait avec!
Rassurez vous je ne vais pas lancer un article sur le bien fondé des grèves SNCF (par contre je souhaite bon courage à tous les usagers qui doivent faire avec pendant ces prochains mois!!!) ni sur celles chez Air France, qui sont au cœur d'un débat qui devient vite houleux!
Je voudrais par contre partager avec vous quelques faits sur le métier de PNC qu'on a tendance à oublier, ou tout simplement qu'on ne connaît pas parce que ce sont des spécificités de ce métier qui sont particulières! J'espère que cela vous donnera ensuite matière à réfléchir :p
Tout d'abord parlons salaire.... aïe aïe sujet sensible!!!
J'entends dire ici et là qu'un PNC gagne bien sa vie, que ce sont des nantis, des privilégiés.... ah bon? Première nouvelle!!
Chez Airlinair, j'étais au SMIC. Pas moins, mais certainement pas plus :) On va me dire: oui mais tu ne travaillais pas 35h/semaine! Vrai... mais j'enchaînais jusqu'à 5 rotations dans une journée, arrivait à 22h30 à l'hotel, debout 4h et c'était reparti pour une autre journée. Je vous assure, ça pique.
Arrivée chez Air France je me suis dit que ça allait être le jackpot... bon, j'ai mieux gagné ma vie c'est vrai mais ne croyez pas tout ce qu'on vous dit! Les journalistes balancent souvent des chiffres qui reflètent qu'une partie des navigants: cadre, avec plus de 15/20 ans de boîte, au plus haut des échelons. Ma foi, ils ont bossé aussi pour en arriver à de bons salaires, comme tout employé lambda qui aurait ses promotions tout au long de sa carrière non?
Quand je suis rentrée, mon traitement de base était de.... 850€. Oui oui, vous avez bien lu! On est loin du SMIC non? Alors à ça se rajoutent des frais divers (et heureusement!!!! va payer ton loyer sinon): frais d’hébergement, repas, frais liés aux rotations (qui changent en fonction de l'endroit où vous dormez) etc etc... on arrive à un salaire qui n'est jamais le même, mais qui tourne aux alentours de 1600 à 1800€, sur moyen courrier et pour un jeune PNC qui débute dans l'entreprise. Alors je vous rassure, mon traitement de base a augmenté doucement mais sûrement... en fin de ma (courte) carrière, il avait enfin atteint le chiffre symbolique de 1000€ et des brouettes (psychologiquement ça fait du bien!). Sur long courrier, en moyenne on arrive à 2000€/2200€, parfois plus, parfois moins.
La question est: pourquoi cela change? Pourquoi jamais le même salaire? Parce qu'il dépend de pleins de facteurs: les rotations faites dans le mois, les congés payés, les absences pour maladie, les primes particulières etc... chose à laquelle on ne pense pas, et bien dans notre vie quotidienne, nous avons tous des loyers, factures, courses et dépenses diverses qui ne sont pas, elles, modulables. C'est donc pas toujours évident de gérer un budget car il faut savoir être carré pour les mois où il y en aura moins...
Là encore on va me dire que c'est bien payé pour ce qu'on fait.... ce à quoi je répondrais: pour 5 rotations sur long courrier, avec des journées de 15/16h, des nuits blanches, une pénibilité du travail qui engendre de graves problèmes de santé, ou des journées avec des levers à 3h ou 4h du matin, c'est quand même juste, non? Vraiment pas?
Alors je vais vous parler de ma petite expérience: comme certains le savent, j'ai eu un accident du travail. Cet accident m'a obligé à être à tour de rôle en arrêt maladie, ensuite en arrêt longue maladie, en arrêt d'accident, en mi temps thérapeutique, en trèèèèès long arrêt que des belles et bonnes choses!
Et bien là je peux vous dire que le traitement de base de ma fiche de salaire prend tout son sens. Je ne vais pas tourner autour du pot: en plus de galérer au niveau de la santé, je me suis retrouvé dans un trou noir financier. Pourquoi? Bah parce que passer de 2000€ de salaire à des fiches de paie à 1000€, 140€, ou 0€ ou négatif (si si je vous assure ça existe!!), ça vous plombe un budget, que vous soyez quelqu'un qui fait attention ou pas à ses économies!! Les miennes ont fondu comme neige au soleil, et les indemnités journalières, qui tardaient en prime à m'être versées, ne comblaient pas puisque calculées sur mon traitement de base.
Alors j'avais beau avoir un beau CDI chez la plus prestigieuse compagnie nationale, j'ai du ravaler ma fierté et aller taper aux portes des assistantes sociales. Leur réponse? Bah on ne peut pas vous aider, vous avez un super bon poste. Voilà la réalité.
La réalité c'est que tant que tout va bien, vous pouvez avoir une belle vie et une belle carrière en tant que PNC.
La réalité c'est que quand ça commence à aller mal, vous réalisez que votre bulletin de salaire ne tient qu'à votre capacité à exercer ce métier dans de bonnes conditions physiques et mentales.
La réalité c'est qu'on a de tels préjugés et idées reçues sur ce métier, personne ne vous tends la main quand vous demandez de l'aide.
La réalité c'est que vous pouvez vite vous retrouver dans une situation grave et avoir du mal à remonter la pente.
La réalité c'est qu'il y a des gens qui continuent aujourd'hui à tirer sur la corde et à monter dans les avions alors qu'ils sont à la limite de leurs capacités, qu'ils devraient plutôt s'arrêter mais qu'ils ne peuvent tout simplement pas se permettre d'être en arrêt maladie parce que sans cette rotation de plus, ils auront du mal à boucler leur fin de mois.
Je continue?
Quand on se retrouve à ne pas pouvoir monter dans un avion et à travailler au sol en attendant le ok du service médical, le salaire aussi en prend un coup. Quand on arrive à la fin de nos droits maladie, et qu'on bascule sur une longue maladie en touchant des indemnités dites "SIACI", qui vous paient quand ils ont en envie, et des pâquerettes, ça devient encore plus compliqué.
Moi je compare souvent ce métier à celui de funambule: tant que vous tenez sur la corde, tout va bien. Mais si vous perdez l'équilibre, l'issue peut être fatale.
J'avais tout: un cdi, un boulot passionnant, sans routine, fatigant certes mais qui me le rendait bien. Et puis en 2s tout a basculé: et des années après, j'en paie les pots cassés et je les paierais certainement toute ma vie.
Alors oui, il y a des bons côtés et certains privilèges: dans ce pays, il faut presque s'en excuser! Mais le revers de la médaille peut être très très cher payé croyez-moi!!
Quand j'entends les inepties dites par des journalistes qui ne sont même pas fichus de vérifier leurs sources (la base du métier me semble-t-il), j'ai juste l'impression qu'ils ont envie de nous monter les uns contre les autres!
Posez-vous les bonnes questions: seriez-vous capable de découcher la moitié du mois loin de vos enfants et de votre famille? Seriez-vous en mesure d'assurer la sécurité et la sûreté de 350 passagers de jour comme de nuit, sans dormir pendant 24h et de garantir leur bien être sur un vol, en étant à la fois infirmier, contrôleur technique, pompier et parfois nounou? Auriez-vous le courage de vous retrouver parfois dans des situations graves et dangereuses, dans des pays en guerre, au cœur de conflits qui dépassent le cadre de votre métier? Sauriez-vous accepter de ne pas passer de week-ends ou de fêtes avec vos proches, de partir à l'autre bout du monde sachant que vous raterez un événement important de la vie de votre enfant?
Etre PNC c'est tout ça et plus encore à la fois; alors oui, il faut aussi un juste retour des choses, parce qu'on ne peut pas faire ce métier juste pour le plaisir de voir le soleil se lever sur Manhattan avant de repartir...